Et ben les gars, avec un titre comme ça on est sacrément avancé (à seconde vue il est vachement lyrique ce titre…) Il faut dire qu’il y a eu une amorce de débat lors du SMX Paris 2013. Alors loin de moi l’envie de me substituer à celles et ceux qui étaient vraiment sur place, et qui ont donc suivi ça de plus près. Mais la question me taraude depuis quelques temps déjà. De quoi le SEO est-il le nom ? Où est la variable d’ajustement entre aisance technique et qualités commerciales du référenceur ?
Quand on entend Rand Fishkin pendant le SMX13 (ou quand on le suit sur Twitter comme moi) on se dit que les Américains ont passé un cap dans l’agencement de leur stratégie SEO. « More marketing content ». Plus de contenu « markété », et une technique qui va dans ce sens.On n’est pas là pour faire de l’agit-prop. Pas là pour défendre un camp ou un autre, simplement pour analyser quelles leçons tirer de ce probable changement de paradigme au sein de la communauté SEO. Et pour défendre ces deux visions du référencement, j’ai la chance d’accueillir pour cette interview François Houste, Laurent aka Loran750 et Raphaël Doucet et Pierre Ammeloot ! Un débat que je vous propose de lire dès maintenant
Alors première question simple et assez vaste, le référencement est-il estampillé Marketing ? Technique ? Ou tout simplement les deux ?
F. Houste : Les deux, forcément. Mais pas de la même façon. Le SEO est un levier technique, il serait impossible de le nier. C’est le levier marketing qui est le plus proche du développement, du webmastering et de toutes les actions nécessitant de la maîtrise technique. On y touche à e la configuration, du code, de l’administration réseau. C’est complexe, souvent, et cela demande un très bon bagage culturel technique pour être appréhendé dans sa globalité, c’est indéniable.
Maintenant, le SEO reste du marketing dans la mesure où il sert la mise en avant d’un produit, d’une marque, et se destine à accroître sa notoriété, son audience ou son volume de vente. Dans ce sens, il demande forcément aussi une prise de conscience marketing : on ne fait pas n’importe quoi avec un produit, avec une marque. Et le SEO n’échappe pas à cette règle !
RaphSEO : Pour moi le référencement dans son plus simple appareil n’est estampillé de rien de tout. C’est à celui qui le met en place et le pratique de lui donner la saveur qu’il désire. En revanche, il est clair qu’avoir à l’esprit des préoccupations marketing peut influencer les décisions dans le process stratégique.
Loran750 :Et bien, c’est vrai que les différentes présentations sur SMX Paris cette année ont montré un visage plutôt marketing, du fait de l’insistance de Google de vouloir brider les ambitions techniques des référenceurs. Quand je parle des ambitions techniques des SEO, je parle bien entendu des actions visant à influencer les SERP. Oh un gros mot ! Influencer les SERP !
Clairement, Google, par ses différents algorithmes et filtres tente de juguler les actions techniques des référenceurs :
- onSite : si le site n’est pas « outrageusement » optimisé
- offSite : si les liens ne sont pas créés rien que pour devenir « premier sur Google »
Le marketing est une autre facette du référencement : le trafic apporté est différent de celui des SERP. Il est plus tourné vers l’internaute et moins vers Google dans le sens où une connexion directe avec l’internaute est créée (réseaux sociaux, marketing viral, mailing,..)
Ce sont dont bien des techniques différentes mais complémentaires. Et en ces temps sombres et troubles pour le référencement dit « technique », le marketing (au sens large du terme) est à explorer.
Pierre.A : Le SEO est forcément la frontière entre la technique et le marketing. Le marketing sans technique ne permet pas de performer dans les SERPs (Search Engine Result Pages). De même la technique sans avoir connaissance de la marque et de sa stratégie ne permet pas de travailler dans des conditions optimales. Le référenceur est pour moi un trait d’union entre le service marketing et la DSI. En tout cas je ne conçois pas mon travail aujourd’hui autrement qu’en travaillant main dans la main avec eux.
Si l’action du référenceur fait partie d’une stratégie globale d’entreprise alors l’impact du SEO en sera démultiplié.
M.Cutts a depuis longtemps insisté sur la pertinence du contenu rédactionnel, de penser Internaute en premier, est-ce qu’on peut faire du bon référencement en étant un bon «écrivain» et sans mettre les «mains dans le cambouis» ?
F. Houste : Non, un rédacteur, même le meilleur, n’est pas un référenceur. Il peut toutefois assurer une partie du travail mais ne pourra jamais prétendre positionner un site à lui seul. Il y a 4 composantes du référencement : l’accessibilité, le contenu, l’architecture et la notoriété ; Maîtriser, ou au moins comprendre, ces 4 aspects est indispensable pour prétendre être un bon SEO !
RaphSEO : Si on pousse le raisonnement à l’extrême, c’est purement et strictement impossible. Tu as beau avoir le meilleur contenu du monde, si tu ne le présente d’une manière compréhensible pour les bots de Google, accroches toi pour te positionner. Oui tu draineras peut être du traf de longue traine mais clairement le potentiel ne sera pas exploité et surtout tu n’auras pas un référencement optimal. Désolé mais à un moment donné, il n’y a pas le choix il faut retrousser les manches et ne pas avoir peur de se salir les mains.
Loran750 : Oui, c’est le sens aujourd’hui du référencement onSite : ne pas trop suroptimiser les pages, mais par contre rendu un contenu rédactionnel de qualité.
Cela passe par maîtriser son écriture, renforcer ce que j’appelle le « contexte éditorial » du site, soient les mots clés, les phrases, la richesse syntaxique, les synonymes, et tout ce qui peut permettre à Google de comprendre la thématique (et non LES thématiques) de la page. Car nous savons bien que : une page = une idée à développer.
De plus, en restant « éloigné de la technique », cela rendra le message encore plus naturel.
Pierre.A : Pour moi la bonne réponse à cette question c’est « oui et non ».
Oui il faut avoir du contenu comme support au SEO car c’est ce contenu qui permet de transformer un visiteur en client.
Non car le SEO inclut intrinsèquement la partie technique. Le meilleur rédacteur au monde n’aura pas de résultat si son site présente des freins au référencement.
Pour moi ces deux métiers sont les deux faces d’une même pièce. Il faut rédiger et optimiser son contenu tout en étant capable de mettre les « mains dans le cambouis » de la technique afin de s’assurer que le site ait une chance de se positionner dans les SERPs.
Est-ce que la variable d’ajustement de la stratégie SEO en France est différente de celle pratiquée au US. Ici, on anticipe comme Google, là-bas on anticipe le comportement du consommateur ?
F. Houste : Anticiper Google, c’est le SEO technique, anticiper l’utilisateur, c’est son englobement marketing. Les deux sont encore une fois indispensables. J’entends parfois des référenceurs me dire que les conversions ne les concernent pas, ça m’horripile ! Les SEO ne sont pas là que pour positionner des pages et absorber du trafic, la qualité de ce trafic est le comportement des utilisateurs sur ces pages est aussi dépendant de leurs actions
RaphSEO : Je trouve cela un peu réducteur, ce n’est ni tout blanc d’un côté ni tout noir de l’autre. Je dirais même que si tu veux tendre vers un succès max, tu te dois d’anticiper non seulement Google pour garder ta visibilité mais aussi anticiper le comportement humain afin de mieux convertir.
Loran750 : Je travaille depuis des années sur le référencement de multinationales dans l’industrie, et donc sur l’aspect multi-langue, avec un interlocuteur par langue et par pays. Pour un site que je référence depuis 3 ans, je vois bien la différence de traitement pour le référencement US par rapport au référencement FR :
==> Aux Etats-Unis, le référencement est bien intégré en amount et je peux participer au cahier des charges des évolutions du site. Je suis consulté sur l’aspect SEO et il y a un budget associé pour appliquer mes recommandations.
==> Mon interlocuteur français (qui est en contact avec l’américain, et qui se source auprès de lui, car plus en avance) travaille avec moi en aval du projet, souvent en mode « curatif ». La raison ? En France, et d’une manière générale, il n’y a pas de budget identifié dans une phase projet pour le web (je généralise…) et pour le SEO, qui peut être identifié comme un sous-ensemble du « web », c’est pas encore identifié comme une priorité.
Bien évidemment, ce n’est pas une généralité mais ce petit retour d’expérience montre que beaucoup d’entreprises françaises n’ont pas encore intégré le référencement comme partie prenante d’une stratégie web.
Pierre.A : Ta question encore une fois trouve sa réponse dans la raison d’être du SEO. Pour rappel on ne référence pas un site pour le plaisir de le référencer mais pour toucher une cible définie, l’amener à visiter une page et la convertir. Que ce soit de l’achat, de la prise d’information, de la notoriété ou le téléchargement d’un document, il faut toujours avoir en ligne de mire l’utilisateur final.
Comme j’ai l’habitude de le dire à mes clients, je peux vous amener plusieurs dizaines de milliers de visites sur votre site sans trop de problème, par contre si je souhaite m’assurer que ces visiteurs vont convertir là c’est un autre challenge. Il faut définir précisément les attentes de notre cible et ensuite cibler des requêtes pertinentes afin d’avoir du trafic ciblé. Pour moi le SEO est une palette d’outil au service du web-marketing.
Ayant l’occasion de travailler pour des grands comptes sur plus de 20 pays en Europe je me rends compte que le SEO est souvent la « 5éme roue du carrosse ». Nous arrivons en dernier sur les projets web le plus souvent à la mise en ligne du site ou juste avant. A la différence des USA où les clients ont compris qu’il faut intégrer les référenceurs bien en amont du projet.
A force d’évangélisation auprès de mes clients il m’est arrivé d’entrer sur des projets web au tout début de la réflexion et de pouvoir travailler avec les agences stratégiques et médias. Le résultat est que le client paie moins cher pour avoir un site plus efficace car les décisions sont prises dans le bon sens (comprendre « SEO friendly ») en amont de la création du design et du développement. Les clients sont sensible au fait que plus on intervient tard, plus cela va couter de suivre nos recommandations. Pour moi, il faut donc éduquer nos clients en Europe afin d’atteindre le niveau d’évangélisation des USA.
Pour rebondir sur cette question, est-ce qu’il faut absolument copier le modèle américain, ou peut-on être fier du nôtre basé sur la recherche permanente de nouvelles techniques, sur le partage de connaissances.
F. Houste : Soyons clairs, il n’y a pas de différence de modèle entre les USA et la France. De chacun des côtés on vous dira qu’on poursuit le même objectif : améliorer le business des sites positionnés!
RaphSEO : Non, pourquoi se restreindre à copier, le marché français a ses propres spécificités qui n’existe pas aux US et vice versa. Vouloir appliquer une recette toute prête sans prendre en compte l’environnement dans lequel elle sera en fonction serait une grosse erreur à mon sens.
Loran750 : Non, chaque marché a ses spécificités. Les entreprises françaises doivent mûrir leur projet web. Certains acteurs français, souvent les purs players ont déjà développé et travaillent déjà sur les prochaines avancées du secteur (comprendre : les nouvelles règles édictées par Google). Le quoi ? Le partage de connaissance ? Ah bon, ça existe ? Allons … seules les choses obsolètes ou non stratégiques sont partagées
Pierre.A : Inutile de copier le marché US. Nous avons une façon de fonctionner différente dans chaque pays et je n’ai pas encore vu de projet SEO réussier quand il est appliqué de la même manière partout en Europe, alors de là à copier les méthodes américaines je pense que ce n’est pas la meilleure idée.
En revanche, nous pouvons sensibiliser nos clients au fait que notre métier impacte sur leur business et qu’idéalement il faut nous mettre « dans la boucle » le plus amont possible comme l’ont bien compris les entreprises américaines. Si évangéliser c’est copier les USA, alors dans ce cas là copions gaiement.
Enfin, dernière question, diriez-vous que le SEO «made in France» a encore un côté artisanal qui plaît aux annonceurs ?
F. Houste : Pas artisanal, cowboy. La France, dans son paysage SEO, vous encore un culte à l’Expert, l’homme providentiel qui va répondre à l’intégralité des soucis de positionnement ou de performance d’un site. C’est un syndrome français qui dépasse largement le spectre du SEO !
Seulement, le SEO est bien souvent un travail d‘équipe, plus que de cow-boy solitaire. Il convient de traiter texte, architecture, mais également respect des produits et mise en avant des offres. Des compétences rarement réunis sous une seule casquette ! Finalement, le problème d’une certaine communauté SEO française est peut-être qu’elle doit apprendre à s’adapter à un business global, toutes ses immenses qualités mises à part !
RaphSEO : Le paysage du SEO français balaye un large choix de pratiques. Oui on peut trouver de l’artisanal, oui on peut trouver de l’industriel. Chaque méthodologie a ses adeptes et ses détracteurs et l’une n’est pas meilleures que l’autre. Sans rentrer dans le détail, il existe des business modèles basé sur l’industrialisation et qui fonctionnent très bien.
Loran750 : on, le côté artisanal implique un renchérissement du coût. Et cela ne plait pas aux annonceurs. Seule l’industrialisation permet d’intéresser des annonceurs, des investisseurs.
Je vous donne une piste au sujet de l’industrialisation appliqué au SEO (ou l’inverse, le SEO industrialisé) : open data, RDF, web sémantique… Celui qui parviendra à moindre coût à développer de VRAIS modules pour les CMS populaires aura pris une belle avance… d’un point de vue rapport rentabilité.
Pierre.A : Je côtoie des agences SEO au quotidien et celles qui s’en sortent, ce sont les pragmatiques qui atteignent des résultats sans vendre du vent aux clients.
Je n’ai pas l’impression qu’il y ait un SEO « made in France ». De ce que je vois en Europe nous sommes un peu en retard sur certaines pratiques permettant d’industrialiser le SEO et encore cela dépend bien souvent du client, du brief et du prestataire. Nous sommes capables sur le vieux continent d’atteindre les mêmes objectifs qu’aux USA mais nos contraintes sont différentes et le marché reste à évangéliser.
Merci à vous pour cette interview qui sera – à coup sur – un bel élément de réponse dans le débat actuel entre le SEO made in US vs made in France. Le marketing à tout crin contre les mains dans le cambouis.
J’espère qu’elle vous aura plu N’hésitez pas à réagir